Actualités des associations
Les bateaux de guerre à voiles et à rames, appelés galères au 13ème siècle, sont connus depuis l’Antiquité. Ils sont utilisés en France jusqu’au milieu du 18ème siècle pour la marine de guerre royale dans les ports du Ponant (Rochefort, Lorient, Brest) et pour la flotte du Levant (Marseille et Toulon).
« Volontaires » (souvent par tromperie), esclaves achetés aux Turcs, puis détenus des prisons, constituent successivement les équipages de galériens : la « chiourne ». Sous Louis XIV, Colbert, qui reconstitue la flotte de guerre, demande aux tribunaux d’appliquer souvent la peine des galères. Toute la gamme des voleurs jusqu’aux meurtriers est représentée. Regroupés, enchaînés et conduits à pied vers les ports, ils vont être fixés aux bancs de rame et connaître des conditions de vie atroces. « Voguant » de Mai à Septembre, ils restent l’hiver à quai pour travailler dans les arsenaux ou les manufactures mais souffrent à bord du froid et de la faim. Les deux tiers meurent avant trois ans.

En 1748, les galères devenues obsolètes, Louis XV fait débarquer 4000 galériens dans les ports. Condamnés à ce que l’on appelle toujours « la peine des galères », ils effectuent des travaux forcés à commencer par l’édification des bagnes maritimes.

« Le 31 Mars 1784, le Parlement de BORDEAUX condamne à dix ans de galère pour vol, JEAN DUTEMS né à BENQUET, diocèse d’AIRE, en 1758. Il porte le même prénom que son père décédé. Sa mère est Madeleine BROQUAR. Il est menuisier et a 26 ans. Il mesure cinq pieds un pouce (1m65). Il a les cheveux, les sourcils et la barbe bien fournis, un visage long, les yeux gris couverts, le nez long aquilin. Il a une forte cicatrice à côté du nez, à gauche, tombant sur la lèvre supérieure. » Après le prononcé de la peine, en compagnie d’autres condamnés, il est exposé au pilori en place publique durant plusieurs heures, humilié par la foule. Il reçoit « la flétrissure » : le marquage au fer chaud sur l’épaule des lettres GAL. Mis aux fers dans une geôle bordelaise, il connaît durant deux mois la puanteur d’un cachot surpeuplé, le « pain du roy » noir, exécrable et insuffisant, les mauvais traitements, le manque d’hygiène et peut être des maladies comme la dysenterie et le scorbut. Avant le départ au bagne, il subit une « visite médicale » : un coup de tampon sur un rôle ! C’est donc affaibli qu’il est attaché à la « chaîne de GUYENNE » pour rejoindre à pied le bagne flottant de ROCHEFORT à 160 Km. Il est accouplé à un autre bagnard par un collier de fer autour du cou et une lourde chaîne de trois pieds (1 mètre). Celle-ci a dans son milieu un anneau dans lequel passe la longue chaîne centrale. Chacun traîne ainsi 15 à 20 Kg de métal.

La chaîne de Guyenne est courte, 22 forçats au maximum. A raison de 25 Km par jour, elle arrivera sur les pontons de ROCHEFORT en une semaine avec peu de mortalité. Celle de PARIS compte de 200 à 400 forçats.

Arrivé le 9 juin au bagne portuaire, DUTEMS reçoit la matricule n°21132 qui sera inscrit sur sa casaque rouge et toutes les pièces de son uniforme, même les chaussures. Il reçoit aussi 2 chemises, 2 caleçons et une vareuse de toile. Avec les travaux forcés, tout cela deviendra vite des haillons.

Examiné par un officier de santé, revêtu de sa tenue, une manille fixée à sa cheville par un « argousin », il est de nouveau accouplé jour et nuit à un autre forçat plus ancien. Ils sont une dizaine à dormir sur le « tolar », un banc muni d’une barre à laquelle ils sont attachés. Un « comite » les surveille. Escorté par le « garde chiourne » il est affecté pour 3 ans aux travaux pénibles de la « grande fatigue » : le creusement de canaux d’assèchement des marais, l’entretien du port (pompage et curage des bassins), la construction et le halage des navires, le transport de charges, etc… Il n’aura pas la patience d’attendre une 4ème année pour bénéficier du régime de la « petite fatigue » moins exténuant car dans ce bagne, le taux de mortalité annuel dépasse 50%. Il s’en évade le 21 juillet 1784 à l’occasion de travaux sur le port. Repris il écope de la bastonnade et de 3 ans de « double chaîne » (les deux pieds attachés) ou de la chaîne avec un boulet de fer.

Le 3 septembre 1784, par jugement de M. REDON DE BEAUPREAU, commissaire général, il est condamné à perpétuité. L’espérance de vie dans ce bagne n’excédant pas 5 ans, il est probable que Jean DUTEMS est mort rapidement sur les bords de la Charente sans avoir jamais revu sa mère ni la croix de St Jean édifiée en 1751 au milieu du carrefour et enlevée récemment.